Les manifestations extra-hépatiques

Longtemps, le monde médical a considéré que l’hépatite C ne touchait que le foie, niant les liens entre cette affection et d’autres manifestations rapportées par les personnes atteintes par le virus. Mais avec le temps, il a bien fallu se rendre à l’évidence : trois personnes sur quatre avec une hépatite chronique C présentent au moins un symptôme dit extra-hépatique, autrement dit qui se manifeste en dehors du foie.
Aujourd’hui, il est admis que l’hépatite C est certes une maladie du foie, mais qu’elle est aussi une maladie “systémique”, susceptible de toucher plusieurs organes. Heureusement, une fois que le virus disparaît, les manifestations extra-hépatiques disparaissaient aussi (plus ou moins rapidement) !

La fatigue

La fatigue touche une majorité de personnes atteintes par l’hépatite C. Il s’agit d’une fatigue anormale, qui n’est pas liée à des efforts particuliers et ne disparaît pas forcément avec du repos. Elle peut se manifester dès le début de l’infection par le VHC, mais elle est souvent plus intense dans les stades avancés de fibrose.
Face à un médecin qui ne prend pas cette fatigue trop au sérieux, essayez d’être précis dans votre description, et illustrez l’incidence de cette fatigue sur votre quotidien par des exemples concrets : vous ne pouvez plus passer l’aspirateur, vous devez vous arrêter à chaque étage lorsque vous montez les escaliers, porter un sac de courses vous est devenu impossible, etc. Et s’il vous dit que c’est dans votre tête, rappelez-lui que cette fatigue est l’une des manifestations extra-hépatiques les plus fréquentes de l’hépatite C !

La dépression

L’un des premiers signes de la dépression est justement la fatigue. Les troubles de l’humeur, du désir sexuel (libido), la nervosité, la confusion y sont fréquemment associés. De nombreux malades se plaignent aussi de troubles de la mémoire et/ou de la concentration, de dérèglements du sommeil (réveils fréquents au milieu de la nuit), d’anxiété… Ces symptômes peuvent être une expression de l’hépatite C ou d’une souffrance plus générale : il est important d’en parler à votre médecin.
Au niveau physiologique, certains médecins pensent que le VHC agit sur les cellules du cerveau : cela pourrait expliquer les troubles de l’humeur, les pertes de mémoire et les difficultés de concentration.
De plus, une maladie chronique entraîne toujours des bouleversements chez la personne atteinte et dans son entourage. Le fait d’avoir été contaminé par un virus peut faire naître un sentiment de honte, de révolte ou de colère dirigée contre soi-même ou contre les autres. Certains se découvrent une émotivité à fleur de peau : ils deviennent très irritables, ou au contraire s’effondrent en larmes devant les infos à la télé.
L’acceptation de la maladie est un processus lent et complexe : une psychothérapie est un réel soutien, n’hésitez pas à consulter.

Les douleurs articulaires et musculaires

Elles sont fréquentes et peuvent avoir de nombreuses origines,
dont le stress. Mais l’une des causes la plus probable chez les personnes touchées par l’hépatite C, surtout les femmes, est la cryoglobulinémie.
Explication : dans l’hépatite C, certains lymphocytes (des cellules du sang) sécrètent des protéines formées par l’association d’anticorps et d’antigènes du VHC. Ces protéines se gélifient au froid, d’où leur nom de cryoglobulines. Un dépôt peut envahir les petits vaisseaux sanguins, les endommager et provoquer une vascularite, qui est une inflammation du système vasculaire. Ces amas peuvent aussi s’accumuler autour des articulations des mains ou des genoux, occasionnant une inflammation douloureuse. Ils peuvent également altérer la sécrétion de larmes et de salive.
La cryoglobulinémie entraîne des troubles de la circulation sanguine, des problèmes de peau, des mouvements nerveux et incontrôlés des jambes et des bras ou des crampes. Plus rarement, elle provoque une insuffisance rénale et s’attaque au système nerveux. Le diagnostic de cryoglobulinémie repose sur une simple prise de sang, mais le tube de sang prélevé doit impérativement être conservé à une température de 37 °, sinon le résultat peut être faussé. De plus, comme la présence de cryoglobulinémie est fluctuante, l’examen doit être répété en cas de résultat négatif si les symptômes persistent.
N’hésitez jamais à parler de vos douleurs à votre médecin. Il est très important de surveiller étroitement l’apparition d’une vascularite et son évolution : cela fait partie de ces rares manifestations extra-hépatiques qui peuvent vous mettre en danger (risque de formation d’un caillot de sang dans une veine (phlébite) ou d’atteintes rénales). Votre médecin peut envisager certains traitements.

Les problèmes de peau

Notre peau peut aussi pâtir de l’hépatite C. Les symptômes cutanés sont fréquents, notamment chez les personnes souffrant de cryoglobulinémie. Si vous consultez un dermatologue, n’oubliez pas de lui dire que vous avez une hépatite C.

• Le purpura

Ce sont de petites taches de sang sur la peau qui ne disparaissent pas à la pression : c’est l’un des signes les plus fréquents d’une vascularite.

• La sécheresse de la peau

Nous sommes très nombreux à connaître ce
problème, qui peut être désagréable au quotidien. Il faut hydrater sa peau matin et soir avec des produits adaptés : consultez un dermatologue.

• Les démangeaisons (prurit)

Si elles persistent, le grattage risque d’entraîner des lésions douloureuses comme l’eczéma. Il vaut mieux consulter un spécialiste, car il existe des traitements spécifiques et efficaces, mais seulement si le diagnostic est précis. Le prurit est fréquemment associé à des transaminases élevées et à des lésions du foie plus sévères, voire à la cirrhose.

• Le lichen plan

Ce sont des groupes de boutons rougeâtres irréguliers, plats, qui démangent. Ils sont le plus souvent localisés sur les poignets, les épaules, le bas du dos ou les organes génitaux. Le lichen plan peut être fréquemment localisé dans la bouche chez les personnes atteintes par l’hépatite C : il se présente un peu comme une plaque en forme de filet blanchâtre et entraîne des modifications du goût, une sensibilité aux épices… Il ne faut pas négliger de s’en occuper, en adoptant notamment une excellente hygiène buccale.

Le syndrome sec

• La sécheresse de la bouche et des yeux

Elle est souvent liée à la présence d’une cryoglobulinémie, laquelle peut entraîner une diminution de la production de salive et de larmes. Les dents, privées de la salive qui les protège des attaques bactériennes, deviennent fragiles. Lorsque les muqueuses sont mal irriguées, leur action de protection contre les infections diminue. Cela signifie que vous serez davantage sujet aux candidoses, herpès, fissures de la peau au coin des lèvres, aphtes…
Il existe des traitements locaux (bains de bouche ou pommades) qui permettent de combattre efficacement ces symptômes. La mauvaise lubrification des yeux, causée par l’insuffisance de la production lacrymale, provoque une irritation : on y remédie facilement par l’utilisation de larmes artificielles sous forme de gel ou de collyre. Dans les cas les plus graves (conjonctivite chronique), un tout petit dispositif d’irrigation de l’œil peut être installé.
Pour lutter contre la sécheresse buccale, il faut boire un peu d’eau fréquemment tout au long de la journée ; on peut aussi stimuler la production de salive avec des chewing-gums sans sucre ou des bonbons acidulés. D’autre part, l’hygiène dentaire doit être accentuée, surtout si vous fumez ! Si vous êtes atteint d’hépatite C, une visite chez le dentiste s’impose au minimum tous les six mois.

• La sécheresse vaginale

L’appareil génital féminin est constitué de muqueuses, concernées par le syndrome sec. La sécheresse vaginale peut entraîner des problèmes de libido et être un frein à une sexualité épanouie. Il existe des traitements locaux efficaces : gels, crèmes lubrifiantes, pommades. N’hésitez pas à consulter un gynécologue.
Attention : si vous utilisez des préservatifs, il ne faut pas y associer de la vaseline ou d’autres corps gras, qui rendent le préservatif poreux. Employez des gels à base d’eau.

Les affections thyroïdiennes

Chez 10 à 20 % des personnes atteintes d’hépatite C, le système
immunitaire produit des auto-anticorps contre la thyroïde. Cela peut engendrer une hypothyroïdie, une “paresse” de la glande thyroïde qui peut nous affecter considérablement : fatigue, troubles de la mémoire, prise de poids, constipation, crampes musculaires, voix grave, sensibilité au froid, cheveux cassants…
Certaines personnes développent un dysfonctionnement inverse, appelé hyperthyroïdie, qui peut provoquer divers symptômes : hyperthermie (on a toujours chaud), tachycardie (le cœur bat plus vite par moments), diarrhées, amaigrissement, boulimie, fatigue, irritabilité, troubles du caractère.
Un bilan des auto-anticorps est normalement réalisé dès la découverte de votre hépatite C et doit être répertorié régulièrement. Les problèmes de thyroïde se soignent par des traitements spécifiques, mais persistent toute la vie.

Les maladies plus rares

• Les thrombocytopénies

Certaines personnes souffrent de troubles de la coagulation, qui se manifestent surtout par des ecchymoses (bleus) fréquentes. Ces problèmes sont dus à la diminution de cellules sanguines primordiales pour la coagulation. Si vous avez un suivi régulier, votre médecin saura détecter ce dysfonctionnement, visible dans les bilans sanguins : on constate une baisse des plaquettes (thrombocytes) avant même que les symptômes n’apparaissent.

• Les porphyries cutanées tardives

L’épiderme devient hypersensible à la lumière. Cela peut se traduire par l’apparition de poils très fins à des endroits du visage où il n’y en a normalement pas (joues, nez…) et une fragilité excessive des épidermes les plus exposés à la lumière (dos des mains…) : la peau peut se foncer, s’épaissir, former des sortes de petites “bulles”. Les urines peuvent prendre un aspect rosé ou brunâtre. Il faut éviter le soleil, l’alcool, les pilules contraceptives à base d’œstrogènes et certains médicaments. Cette affection peut se soigner par un traitement spécifique.

 

 

(Source : P. Cacoub, Les manifestations extra-hépatiques au cours de l’infection par le virus de l’hépatite C.)