La cirrhose et ses complications

Chez certaines personnes atteintes d’hépatite chronique B ou C, mais aussi de Nash ou d’autres maladies chroniques du foie (hépatite alcoolique ou médicamenteuse, hépatite auto-immune, etc.), la fibrose peut évoluer vers une cirrhose. Cette dernière est en quelque sorte le point de rencontre de toutes les maladies chroniques du foie. Toutes origines confondues, elle affecte environ 700 000 personnes en France, où elle est responsable de 10 000 à 15 000 morts par an (source : Inserm).

Qu’est-ce que la cirrhose ?

Une cirrhose correspond au stade de fibrose F4 du score Métavir (voir l’analogie avec le feu de forêt). Cette fibrose est un tissu cicatriciel qui se forme lorsque les cellules du foie sont détruites en trop grand nombre. Les fibres s’accumulent autour des cellules du foie, les empêchant d’être en contact avec le sang et de fonctionner correctement. Isolées du reste du foie par la fibrose, les cellules forment alors des amas appelés nodules de régénération, et qui sont parfois visibles à l’échographie.

De la fibrose à la cirrhose
De la fibrose à la cirrhose

C’est ce bouleversement de la structure des tissus du foie, associant une fibrose et des nodules de régénération, qu’on appelle une cirrhose. Avec le temps, celle-ci provoque un durcissement du foie, qui devient rigide et difficilement perméable à la circulation sanguine. En bref, la cirrhose désorganise la structure du foie et modifie l’organisation de ses fonctions.
Les premiers temps, la cirrhose n’est pas invalidante, et peut d’ailleurs passer parfaitement inaperçue. Ce n’est qu’à un stade avancé qu’elle devient préoccupante, notamment en raison des complications qu’elle peut provoquer.

Les facteurs de risque

La majorité des personnes atteintes d’une hépatite chronique échappent pourtant à la cirrhose. Pour les autres, la cirrhose pourra mettre plusieurs dizaines d’années à se constituer.
Les principaux facteurs de risques sont les suivants :

L’alcool

Une consommation supérieure à 30 grammes par jour pour les hommes (3 verres), 20 grammes par jour pour les femmes (2 verres) pendant une période prolongée, favorise l’apparition d’une cirrhose. Mais même si vous ne buvez pas tous les jours, votre consommation d’alcool risque d’accélérer l’évolution vers la cirrhose, notamment si vous présentez d’autres facteurs de risques.

La co-infection

La co-infection par le virus du sida est un facteur aggravant : les personnes co-infectées VIH/VHC évoluent trois fois plus vite vers la cirrhose. Il en va de même pour la co-infection par le virus d’une autre hépatite (co-infections VHB/VHC), ainsi que pour tous les déficits immunitaires.

L’âge

Comme tous les organes, le foie vieillit. Plus on est âgé au moment de la contamination par un virus d’hépatite, plus l’évolution de la fibrose est rapide.

Le sexe

Chez les hommes, la vitesse de progression de la fibrose est un peu plus rapide que chez les femmes avant la cinquantaine. Après la ménopause, cette différence s’estompe.

L’excès de poids

Une surcharge pondérale peut provoquer une stéatose, c’est-à-dire une accumulation de graisse dans les cellules du foie (comme pour les foies gras d’oie et de canard), laquelle stéatose accélère la formation de la cirrhose.
D’autres facteurs de risque (diabète, tabac, surcharge en fer…) peuvent avoir une influence dans l’évolution vers la cirrhose. Il est important de faire le point avec votre médecin, pour adapter au mieux votre mode de vie, afin de contrôler ces facteurs.

Une menace qui demeure, même si le virus a disparu

Certaines cirrhoses peuvent apparaître alors même que le virus qui a provoqué la fibrose a été éradiqué. De même, certains cancers du foie peuvent apparaître en l’absence de cirrhose !
C’est pour cela qu’il est indispensable que toute personne ayant eu une hépatite avec une fibrose avancée doit maintenir un suivi et faire surveiller son foie au-delà de la guérison, que la cirrhose soit déclarée ou pas.
Même guérie, une hépatite virale peut donner naissance à une cirrhose ou à un cancer !

Les conséquences de la cirrhose

On parle de cirrhose “compensée” tant que celle-ci n’engendre aucune complication.   Mais il arrive un moment où le foie ne fonctionne plus suffisamment ; on dit alors que la cirrhose est “décompensée”. Les complications peuvent être très sérieuses, avec un risque de décès de 2 à 5 % par an.
Ces complications de la cirrhose sont de divers ordres :

Perturbation de la circulation sanguine

Normalement, le sang venant des intestins et de la rate parvient au foie par la veine porte. En cas de cirrhose, la circulation sanguine dans le foie se trouve bloquée.? Le sang venant des intestins est alors forcé de trouver un autre chemin autour du foie, et il emprunte des veines qui ne sont pas adaptées à cette circulation. Ces vaisseaux sanguins saturés se transforment en varices gastro-œsophagiennes, qui peuvent éclater et entraîner des hémorragies digestives (dans l’estomac ou l’œsophage).
Le sang peut aussi s’accumuler dans les veines du tube digestif : c’est l’hypertension portale. Les personnes atteintes de cirrhose peuvent également saigner et avoir facilement des bleus, à cause de la diminution de fabrication des éléments intervenant dans la coagulation du sang.

Perturbation des fonctions du foie

La cirrhose entraîne une perturbation de plus en plus importante des fonctions du foie : c’est ce qu’on appelle l’insuffisance hépatique. Comme le foie ne joue plus correctement son rôle, les protéines, entre autres l’albumine, sont produites en quantité insuffisante, ce qui peut induire une accumulation de liquide dans les jambes (œdème) ou dans l’abdomen (ascite).
On peut également ressentir d’intenses démangeaisons, parfois associées à une coloration jaune du visage et des yeux (jaunisse). Le mauvais fonctionnement du foie peut aussi avoir des répercussions sur d’autres organes (reins) et engendrer d’autres maladies (diabète, etc.).

Encéphalopathie

À un stade très avancé de cirrhose, le foie n’élimine plus les toxines de façon efficace : il y a donc une accumulation des toxines dans le sang, ce qui peut affecter le cerveau, entraîner des changements de personnalité, des troubles psychiques, de la confusion, des somnolences voire un coma. Les premiers signes d’accumulation de toxines dans le cerveau peuvent être un désintérêt, de la passivité, des pertes de mémoire, des problèmes de concentration ou des modifications dans les habitudes de sommeil (certains dorment le jour et pas la nuit).

L’encéphalopathie hépatique est une complication particulièrement grave de la cirrhose, avec une mortalité très élevée (voir tableau). Il existe pourtant des traitements efficaces, dès lors qu’ils sont prescrits à temps (voir la page Traitements).

(Source : Pr Dominique Thabut, Forum SOS Hépatites 2016.)

Cancer du foie

Enfin, la très grande majorité des cancers primitifs du foie se déclarent sur une cirrhose (plus de 90% des cas). Lorsqu’une cirrhose est constituée, le risque de développer un cancer du foie est de 3 à 5 % par an, soit 30 à 50% au bout de dix ans. Ce risque augmente avec l’âge (plus de 55 ans), le degré de dégradation des fonctions du foie, la consommation d’alcool et l’existence d’une autre infection virale.

Pas de panique !

Tout cela peut légitimement vous inquiéter, si l’on vous a diagnostiqué une cirrhose. Mais cela ne doit pas vous faire oublier l’essentiel :
• Une cirrhose récente n’est pas irréversible. Grâce aux traitements, elle peut régresser et même disparaître.
• À défaut, on peut vivre très longtemps, et très bien, avec une cirrhose, tant qu’elle est compensée, à condition de bien la surveiller et de bien la traiter.
Et si vous êtes sur cette plateforme, c’est que vous avez déjà fait le premier pas pour être plus fort que la cirrhose !