SPÉCIAL « SEMAINE DE LA VACCINATION » : lundi

Le jeune homme, la vache et le médecin

Je vous propose de démarrer la Semaine européenne de la vaccination par une réflexion étymologique sur l’origine du mot vaccin et sur les balbutiements de la vaccination.

L’histoire se passe en Angleterre, à la fin du 18ème siècle, c’est l’histoire d’un médecin, Edward Jenner, d’un jeune garçon de 8 ans, James Phillips et d’une vache.

À l’époque, l’Angleterre, comme le reste de l’Europe, est frappée de plein fouet par la variole (la petite vérole) et la syphilis (grande vérole). Du côté animalier, c’est une épidémie de cow-pox qui touche les vaches, maladie que l’on appelle la « variola vaccina » ou encore vaccine . En latin, vache se dit « vacca ».

Jenner est médecin, curieux, il sait que la variole défigure et tue les gens, d’ailleurs à l’époque un dicton populaire affirme : « Si tu veux une femme qui n’aura jamais aucune cicatrice au visage, épouse une laitière ». Jenner sait que la vaccine peut se transmettre à l’homme, c’est une maladie bénigne, elle touche essentiellement la population en contact avec le bétail. C’est à partir de cette constatation que Jenner a une idée géniale. Le 14 mai 1796, il prend du pus sur le dos de la main d’une laitière contaminée par l’une de ses vaches, et l’inocule par scarification au jeune James Phillips. Quelques mois plus tard, Jenner tente d’inoculer le virus de la variole à son jeune patient. Mais il ne développe pas la variole il est protégé par la vaccine. Voilà ! Il ne restait plus qu’à inventer le mot vaccination et d’en faire un concept, que d’autres comme Pasteur reprendront et développeront ensuite.

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Dr Jenner réalisant son premier vaccine sur James Phipps, âgé de 8 ans. 14 mai 1796. Peinture

« Vaccina » signifie en latin qui vient de la vache. Mais avant ce procédé, il existait la variolisation, technique venant de Chine et d’Inde, qui consistait à prendre du pus d’une personne peu atteinte et de l’inoculer pour se protéger. Malheureusement, les résultats étaient aléatoires, certains n’étaient pas protégés et d’autre déclaraient des formes sévères. L’intelligence de Jenner aura été d’écouter le bon sens populaire et de comprendre qu’une maladie proche de la vache comme la variole, pouvait se transmettre à l’homme de façon organisée, pour le protéger de cette même variole.

Mais dès sa découverte, le principe de vaccination a eu ses détracteurs. Comment une maladie animale pouvait protéger l’homme ? La proximité linguistique entre la petite vérole (la variole) et la grande vérole (la syphilis) sera à l’origine au 19 ème siècle, aux Etats Unis et en Angleterre, d’une farouche opposition au vaccin antivariolique accusé de transmettre la syphilis. Même si la proximité de langage l’incrimine, la biologie l’innocente. La syphilis est due à une bactérie alors que la variole est liée à un virus, rien à voir donc !

L’Angleterre accorde aux vaches une part importante dans son histoire, depuis la variole jusqu’à l’épidémie de vache folle il y a peu. Pourtant, les Anglais ne se sont pas contentés d’être méfiants contre le vaccin de la variole, de 1998 à 2002, donc très récemment c’est le vaccin ROR (Rougeole/Oreillon/Rubéole) qui a été contesté, soupçonné de provoquer l’autisme chez les enfants. En France, nous préférerons accuser le vaccin contre l’hépatite B en 1998.

Mais en 2016, il continue de se dire dans de nombreux pays que les vaccins ne sont pas si naturels et qu’ils pourraient bien rendre stérile ou transmettre le SIDA. Il faut continuer de défendre en 2016 le principe de vaccination qui procure une protection individuelle pour un bénéfice collectif.

Alors l’expression: « Je suis majeur et vacciné » qui revendique liberté et autonomie est un bien joli dicton !

Et vous, au fait, avec vos rappels, vous en êtes où ?

Pascal Mélin 

SYPHILIS : LA BLAGUE DU PREMIER AVRIL…

Si la chose n’était pas si sérieuse on aurait pu en rire… Tous les indicateurs épidémiologiques sont dans le rouge ! La syphilis reprend de plus belle et particulièrement chez les jeunes hommes homosexuels, pourtant depuis juillet 2000 elle n’est plus à déclaration obligatoire. Nous avons baissé la garde, obnubilé par l’épidémie de VIH. La grosse vérole ou le mal de Naples, alias la syphilis est pourtant soignable par la pénicilline depuis 1944.

Mais depuis 1965, tous les pays enregistrent une recrudescence des cas de syphilis. Comble de malchance, en 2014 l’extencilline antibiotique de référence dans le traitement de la syphilis a été retiré du marché. Depuis décembre 2013, l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) cherche une solution de rechange pérenne.

Fin 2014, les laboratoires Sandoz recevait une nouvelle AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) d’un nouveau médicament : Benzathine benzylpénicilline SANDOZ 1,2 MUI, poudre et solvant pour suspension injectable (IM) Benzathine benzylpénicilline SANDOZ 2,4 MUI, poudre et solvant pour suspension injectable (IM). Le 1er avril 2016, après 26 mois de rupture de stock, un traitement injectable est de nouveau disponible pour les professionnels de santé. Nous voici donc mieux armés pour lutter contre la syphilis. Mais d’où vient cette maladie ? Il est habituel de dire que la syphilis a été ramenée du continent Américain en 1493 lors du deuxième voyage de Christophe Colomb puis qu’elle a fait des ravages à travers l’Europe. On a longtemps cru que la syphilis n’existait pas sur le Vieux Continent avant 1493. En 1530, Fracastoro, médecin italien, publie à Vérone un poème intitulé “Syphilus sive morbus gallicus” où l’on raconte l’histoire d’un berger nommé Syphilus qui se retrouve affligé de la terrible maladie. C’est là l’origine du nom qui fut donné à la maladie en 1563 par Thomas Gale. Mais en 1993, à Costebelle dans le Var, des chercheurs retrouvent sur un site archéologique le squelette d’un fœtus atteint de syphilis congénitale datant du 4ème siècle.

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La syphilis était donc déjà sur le Vieux Continent ! Mais chose encore plus remarquable, depuis 1966, on a découvert chez les singes cynocéphales d’Afrique occidentale le portage chronique de tréponéme au niveau de leur ganglions poplités. Cette histoire n’est pas sans nous rappeler celle du VIH et des singes cercopithèques d’Afrique Centrale qui en seraient le réservoir. Mais revenons à notre épidémie de syphilis à la fin du XVème siècle. Savez vous d’où elle est partie ? De là où est arrivé Christophe Colomb de retour d’Amérique, à Barcelone. Le même Barcelone où se tiendra le congrès européen dans 2 jours… Quel pied de nez ! La ville qui a vu naître l’épidémie de syphilis en 1495 sera en 2016 le lieu ou les spécialistes se réuniront pour coordonner l’accès aux soins de tous les porteurs d’hépatite C en Europe.

Un nouveau monde ?

Pascal Mélin