CHRISTINE

L’orthographe et la ponctuation de l’auteur ont été respectées

« Indignons- nous »

Fille de rescapé des camps Nazis, n’ayant durant ses 62 ans de « survivance » jamais dépassé les 45 kilos pour 1,80 m et n’ayant jamais reçu d’aide ni psychologique ni médicale.

Sœur de Sidéen décédé en février 1996 (le jour de l’annonce de la  mise sur le marché de la trithérapie qui permettra de sauver des milliers de vie), ne pesant plus que quelques 40 kilos pour 1, 85 m, condamné à mourir sans morphine car victime de suspicion de « mauvaise conduite » donc de discrimination alors qu’il avait été transfusé en 1981 et donc probablement contaminé en milieu hospitalier. Il est mort à l’hôpital et donc dirigé directement vers le tiroir de la morgue sans toilette mortuaire et sans que ses enfants puisse le revoir.

Rompue au devoir  de mémoire comme au respect de la dignité humaine, les conditions de souffrance  et de décharnement physique de mon frère me rappellent celles des déportés  dans les camps de concentration que je lis dans les yeux et le comportement de mon père  au chevet de son enfant.  Je deviens bénévole accompagnatrice de vie et de fin de vie de personnes atteintes du VIH et/ ou de l’hépatite C.

J’ai réalisé et je réalise encore bon nombre de toilettes mortuaires à domicile mais aussi en milieu hospitalier. Et le jour où je commence à faiblir, je mets évidemment tout sur le dos de ma vie de « combats ». Mais les symptômes se précisant, j’ai un doute et c’est moi qui convaincs mon médecin de me faire des examens de dépistage.

Verdict : hépatite C, génotype 1a. Je ne bois pas (jamais), je ne fume pas et j’ai à l’époque 3 jeunes enfants qui me « boostent » ! Les années passent…mon organisme se défend et moi  je veux montrer une image positive de moi-même. Le respect de la dignité humaine passant avant tout par soi, je m’interdis la plainte, la souffrance, je n’ai pas le droit de baisser les bras ! Et puis survient le décès de mon père en 2007, ce déporté politique, et ce fameux devoir de mémoire ainsi que ce « PLUS JAMAIS ÇA » que ses camarades de misère avaient prononcé sur la place d’appel de chaque camp de concentration le jour de la libération. PLUS JAMAIS CA ! Cela raisonne dans ma tête alors que chaque jour je viens en aide à des personnes abandonnées par notre Société. J’aide les gens à vivre et à mourir  dans la dignité certes mais je contribue aussi à rendre les choses occultes, je réalise un travail de l’ombre pendant que d’autres alignent des chiffres, annoncent des avancées thérapeutiques et font des promesses…

« PLUS JAMAIS ÇA » il est en effet intolérable de refuser encore aujourd’hui  des soins de « conservation »  à la personne humaine car elle est porteuse d’un virus. Je sombre dans la dépression mais ultime instinct de survie, je commence un suivi hépatologique…et je cherche dans le passé  et là, l’évidence : j’ai été contaminée lors des naissances de mes enfants (ou fausses couches). En effet étant de rhésus sanguin négatif et ayant porté des enfants de rhésus positif, j’ai reçu entre 1984 et 1993 des doses d’immunoglobulines comme anticorps. Ces doses sont issues de plasma sanguin et seront utilisées sans contrôles jusqu’en 1992, soit à peu près 8 ans après le scandale du sang contaminé. Je serais donc porteuse de cette maladie, devenue chronique depuis 25 ou 30 ans ?  Je passe sur les étapes de ma déchéance physique et morale, tout cela tient du domaine de l’intime. J’ai aujourd’hui 56 ans et ma vie n n’est que souffrances : Suis –je sur le chemin d’une désocialisation totale ? Je rends la vie de mes proches insupportable, mon âme comme mon corps ne sont que plaies. Je ne suis qu’une plaie ! Mes enfants s’éloignent de moi car il leur faut construire leur propre vie. Ce ne sera pas chose facile malheureusement car je leur ai transmis le fardeau de la MEMOIRE et de la lutte contre les injustices et quand je ne serai plus là la colère risque de s’emparer d’eux !  Lutte contre les injustices, n’en suis-je pas moi-même victime ? Injustice face aux critères d’éligibilité aux traitements contre l’hépatite C ? On me reprocherait donc d’avoir une trop bonne hygiène de vie. Ou de ne pas être assez malade ?

Non je ne me mettrais pas à boire ! Cela accélèrerait pourtant l’état de fibrose de mon foie et j’accèderais ainsi plus rapidement à un traitement. Non je ne boirai pas car cela serait contraire à mes principes de dignité et donnerait raison à ces critères d’éligibilité que j’ai envie de nommer critères de sélection.

J’ai honte, honte de voir bafouées la réflexion ainsi que la lutte de nos ainés à travers la disparition des acquis sociaux, telle que la sécurité sociale pour tous, le droit au travail ainsi qu’au repos. Les acquis sociaux n’ont que 70 ans, ils sont issus du Conseil national de la Résistance, de la souffrance et de la survie de nos pères et grands-pères.
En hommage à Stephane Hessel et à ses camarades ayant lutté pour que nous connaissons un monde meilleur, INDIGNONS NOUS ! Et exigeons l’éradication e l’épidémie à travers l’accès au traitement pour toutes et tous. Il n’y a en effet aucun argument médical pour refuser à un patient un traitement efficace et sans effet secondaire majeur.


Mise à jour 2020 : “Aujourd’hui en France, toute personne atteinte de l’hépatite C a accès aux derniers traitements, qui sont courts, efficaces et bien tolérés. Parlez-en à votre médecin !”

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3 commentaires sur “CHRISTINE

  1. Merci de ce témoignage très fort qui ne peut laisser personne indifférent !

    Il est quand même totalement anormal de vivre la situation suivante lorsqu’on est en attente d’un traitement dont on ne sait pas s’il sera prescrit un jour et quand….

    Pourquoi cette situation est elle tellement anormale et difficile à vivre ?

    Si on vous dit que vous allez bien malgré le vhc vous ne pourrez pas vous en réjouir puisque le virus est là, va progresser et que vous êtes discriminés…Il faut donc souhaiter que son propre état s’aggrave pour pouvoir se réjouir enfin de pouvoir espèrer ?

    SE DESOLER DE N ETRE PAS PLUS GRAVEMENT MALADE ET QUELQUEPART SOUHAITER LE DEVENIR ?

    je rêve , pincez moi ….quel monde de fous !

  2. Tu as raison Chloé …Ce n’est parfois pas si simple . Je suis allée au Chu voir un assistant de mon spécialiste, il n’est pas sûr du tout qu’il assure le suivi après un traitement venu d’ailleurs mais on me proposerait (?) un traitement en septembre dans le cadre d’un protocole.
    J’ai obtenu un r vous avec le spécialiste le 24 juin au lieu du 3 novembre et là çà passe ou çà casse !
    J’espère que tout est ok pour toi que tu vas merveilleusement mieux…..on attend tous de tes nouvelles….

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