IL FAUT ARRETER QUOI ENCORE ?

Bertrand est un sympathique quadragénaire de 42 ans, il est suivi depuis 8 ans dans le cadre du programme d’éducation thérapeutique.

Son parcours est comparable à celui de nombreux patients. Impulsif et révolté, il abandonne précocement l’école, et erre de petits boulots en contrats à durée déterminée. Au rythme des soirées festives, il découvre l’alcool, le cannabis puis l’héroïne. Il devient rapidement dépendant, perd son travail jusqu’à ce que ses parents lui demandent de quitter le domicile familial, ce qu’il fait.

Il erre de squats plus au moins amicaux et se met à dealer pour assurer sa consommation et sa survie. N’arrivant plus à subvenir à ses propres besoins, il compense en s’alcoolisant de plus en plus, jusqu’à ce qu’il perde son permis de conduire et ne puisse plus aller se fournir l’étranger. C’est en prenant la décision de conduire sans permis qu’il écope d’une peine de 2 ans de prison.

Dès son arrivée en prison, on lui propose un dépistage contre l’hépatite B, C et le VIH. C’est à ce moment qu’il apprend sa contamination par le virus de l’hépatite C. À cette époque rien ne sera fait pendant son incarcération à part, le faire bénéficier d’un traitement de substitution et suspendre toute consommation d’alcool.

Lors de sa libération Bertrand a consommé différentes drogues et de l’alcool en tentant de garder le contrôle sur son addiction. Il rencontre alors un médecin généraliste pour assurer le suivi de son traitement addictologique et sur les conseils de ce dernier, il prend rendez-vous avec un spécialiste pour prendre en charge son hépatite C. Ce dernier après avoir pris connaissance de son dossier lui a dit qu’il envisagerait de le traiter uniquement s’il suspendait toute consommation de drogue et d’alcool. Bertrand est alors désespéré par ce chantage et se jette dans différents produits.

Il finit par arriver à ma consultation, je prends connaissance de son bilan et j’évoque alors tout naturellement la mise en route d’un traitement en bithérapie (à l’époque). Bertrand s’étonne et m’avoue qu’il consomme encore différent produits. Je lui réponds que je lui demande de commencer à réduire sa consommation d’alcool et que le reste viendra après, par contre, il faut absolument traiter sa cirrhose. Bertrand accepte le projet et quelques semaines plus tard le traitement commence. La tolérance est médiocre mais la charge virale est finalement indétectable à trois mois ce qui motive Bertrand à poursuivre. Malheureusement, à 1 mois de l’arrêt de traitement le virus est de nouveau détectable.

Dans le cadre du programme d’éducation thérapeutique on analyse avec Bertrand les facteurs pouvant être impliqués dans sa rechute virologique.

La compliance était parfaite, pendant les derniers mois de traitement il n’y avait plus d’alcool consommé, le traitement de substitution était hors de cause. Avec l’arrivée des antiprotéases de première génération, on propose à Bertrand de reprendre un nouveau traitement. Mais pour mettre toutes les chances de son coté, et avec son accord, on lui prescrit un régime afin de perdre quelques kilos et de lui-même Bertrand arrête de fumer.

Malheureusement, il sera, à nouveau répondeur et rechuteur virologique et ce, malgré plusieurs transfusions pour lutter contre l’anémie que l’EPO n’arrivait pas à contrôler. Dans les semaines qui suivirent, la cirrhose de Bertrand se décompensa, obligeant à des ponctions d’ascite et des perfusions d’albumine tous les 10 jours, jusqu’à ce qu’un TIPS soit posé permettant de contrôler son ascite. On a alors évoqué la possibilité d’une greffe. Mais voilà, un diabète est apparu nécessitant la mise en route d’un traitement par l’insuline, et là, la diététicienne a découvert que Bernard prenait beaucoup de plaisir avec les sucreries, nous avons donc dû lui demander de se limiter.

C’est là que j’ai reçu sa réponse comme une gifle et une prise de conscience :                            bb

« Il faudra arrêter quoi encore ? Plus de drogue, plus d’alcool, plus de tabac, plus de kilo et maintenant plus de sucrerie ? Rassurez-vous je n’arrêterai pas ma sexualité car il n’y en a plus ! »

Que de chemin parcouru, que d’adaptation de comportement, mais comment accompagner Bertrand aujourd’hui ? Son projet est-il toujours notre projet ? Les soignants ne sont-ils pas en train d’imposer des choses ? C’est Bertrand qui nous a rassurés et a recommencé un nouveau traitement avec des antis viraux d’action directe… À suivre…

Pascal Mélin

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Un commentaire sur “IL FAUT ARRETER QUOI ENCORE ?

  1. Alors, c’est ça que nous sommes, pour la plupart ? Des personnes ayant mal tourné ? Comment voulez-vous que les gens aient une bonne image de « nous » lorsqu’ils lisent ça ? Alors que parfois, on l’a juste .. De naissance. Et on subit ces stéréotypes. Parce que selon les profs, on se drogue ou on fait le tapin. Aïe.

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