HÉPATITE C : RETOUR SUR UN RATIONNEMENT

 A l’occasion de la journée nationale de lutte contre les hépatites à venir (2 juin), nous vous proposons un point récapitulatif concernant les enjeux actuels et la mobilisation de SOS Hépatites concernant l’accès aux nouveaux traitements contre l’hépatite C.

L’arrivée d’agents antiviraux directs actifs sur l’hépatite C a modifié de façon radicale la prise en charge de la maladie avec des traitements plus efficaces et mieux tolérés. Les malades attendaient depuis longtemps ces traitements sans interféron, mais l’espoir de pouvoir traiter toutes les personnes vivant avec une hépatite C s’est rapidement envolé devant les prix des traitements exigés par les laboratoires. L’année 2014 a été un temps fort de mobilisation associative pour alerter les pouvoirs publics sur les conséquences du prix des traitements sur l’accès aux soins. Dans la poursuite de ce travail, le forum national de l’association SOS Hépatites Fédération du mois de mars a constitué un temps fort entre malades et professionnels pour réagir au rationnement mis en place par le Ministère de la Santé et proposer de nécessaires améliorations à la prise en charge de l’hépatite C.

Chronologie d’un rationnement organisé

 Le 19 mai 2014, le 1er rapport d’experts sur les hépatites virales (Rapport Dhumeaux), a établi   des recommandations médicales fortes et innovantes sur l’accès aux nouveaux traitements contre l’hépatite C. Ces recommandations, basées sur des bénéfices individuels et collectifs,  visaient notamment à éviter les complications et l’évolution vers un stade de cirrhose des personnes atteintes et à enclencher l’éradication de la maladie en ciblant prioritairement des populations spécifiques.

Le 22 Juin 2014, le collège de la Haute Autorité de Santé, saisi exceptionnellement par le Ministère de la Santé en raison du risque que faisait peser le coût de ces traitements sur l’équilibre de l’assurance maladie est revenu sur ces recommandations en proposant l’accès aux traitements aux seules personnes à un stade avancé de la maladie. Les malades doivent désormais attendre que l’état de leur foie et de leur santé se dégrade pour avoir accès aux traitements, les perspectives d’éradication de la maladie s’éloignent à grand pas.

L’arrêté du 18 novembre 2014 relatif aux conditions de prise en charge du Sovaldi (Sofosbuvir ®) commercialisé par le laboratoire Gilead vient définitivement doucher l’espoir des malades, balayant les recommandations des experts, validant officiellement l’avis de la Haute Autorité de Santé.

 Le 29 décembre, le Ministère des Finances et le Ministère de la Santé organisent le rationnement par lettre d’instruction. Les prescriptions de ces nouveaux traitements sont désormais conditionnées à l’avis de réunion de concertation pluridisciplinaire, organisées dans des centres experts dont le nombre est limité. Ces centres de référence sont parfois à plus d’une centaine de kilomètres du lieu de vie des personnes et de leurs médecins. Ces mêmes professionnels, qui assuraient le suivi au long cours des malades touchés par les effets indésirables lourds des anciens traitements sont désormais mis sous tutelle.

Le 29 avril 2015, les pouvoirs publics confirment le rationnement des soins par une nouvelle lettre d’instruction.

Les demandes des malades

Les 27 et 28 mars, les militants de SOS hépatites ont organisé un temps d’échange avec l’ensemble des professionnels, réaffirmant le souhait des personnes concernées de participer à la gestion et l’organisation de notre système de santé, en application directe des principes de démocratie sanitaire hautement portés par nos autorités.

Nos échanges, alimentés par les témoignages de personnes concernées et les situations rencontrées par les professionnels ont permis de structurer nos demandes auprès des décideurs et servira de feuille de route pour porter la parole des malades et des soignants et nourrir les actions de plaidoyer de SOS Hépatites Fédération.

Nous avons-entre autres -retenu la nécessité de faire évoluer l’accompagnement des malades pour maintenir dans le soin les personnes désormais en attente d’accéder à ces traitements prometteurs et alerter sur le nécessaire suivi après la guérison virologique espérée. Si les traitements permettent de terrasser le virus, les complications persistent, le cancer du foie doit continuer à être dépisté précocement pour éviter une issue fatale.

L’organisation actuelle des prescriptions des nouveaux traitements contre l’hépatite C, constitue potentiellement une perte de chance pour les malades en opposition à nos principes mêmes d’accès à la santé. Nous alertons les pouvoirs publics sur le nécessaire contrôle du dispositif pour éviter toute discrimination. Les malades doivent être également correctement  informés sur les modalités de décisions de ces prescriptions. Le dispositif doit être contrôlé  pour éviter toute discrimination. Les modalités actuelles d’échanges d’information doivent évoluées pour garantir le secret médical.

De poignants témoignages montrent que le périmètre des prescriptions doit apprécier les situations particulières des malades. Force est de constater qu’il n’existe aucun rationnel (économique, éthique) pour tenir des malades à l’écart du soin. Tout doit être mis en œuvre pour éviter des complications menant à la cirrhose ou au cancer du foie. L’accès aux traitements des personnes en échecs de traitements antérieurs et souffrant de manifestations invalidantes doit d’ores et déjà être apprécié. De nouvelles études ont également montré une perte de chance accentuée pour certains malades avec un accès tardif au traitement. Nous avons également exprimé nos réserves sur les potentielles baisses de coût de ces traitements à venir, actuellement mises en avant pour entretenir l’espoir de futures prescriptions plus équitables.

La vigilance de tous est donc essentielle pour garantir un accès équitable aux soins, à ces nouveaux traitements et nos principes mêmes d’accès à la santé. Les arguments sur les capacités d’absorption de notre système de santé et les évolutions possibles des prescriptions ne viendront répondre à l’ensemble des questions sociétales qui nous sont aujourd’hui posées.

 

 

 

 

 

 

 

 

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