HÉPATITE C : QUAND LES ANCIENS TRAITEMENTS EMPECHENT L’ACCÈS AUX SOINS…

Voici l’histoire d’un patient plongé dans le monde de l’absurdité hépatologique. J’avais fait la connaissance de Monsieur Durand il y a 20 ans, il était alors porteur d’une hépatite C de génotype 1 et avait 45 ans. À cette époque, nous avions réalisé une biopsie hépatique qui montrait que le patient était pré-cirrhotique. Un traitement par interféron–ribavirine lui avait été proposé mais le patient était effrayé devant les effets secondaires du traitement et ce, d’autant qu’il avait déjà présenté une dépression. Après une préparation de plusieurs mois avec le psychologue et l’infirmière d’éducation thérapeutique, le traitement débutait. Dès la fin du premier mois, le virus était indétectable mais la tolérance était médiocre, nécessitant un arrêt de travail prolongé. Malgré toutes les embûches du parcours, Monsieur Durand s’accrochait et nous espérions avec lui sa guérison. Malheureusement, dès la fin du premier mois de surveillance post traitement le virus était réapparu signant la rechute.

Monsieur Durand a eu énormément de mal à accepter cette rechute, nous accusant de lui avoir fait tout perdre, sa famille l’avait abandonné et ses collègues de travail, informés de sa maladie, le rejetaient. Je ne le reverrai pas pendant 10 ans en consultation. Je pensais à lui à chaque fois que l’on évoquait en congrès les malades perdus de vue.

Il y a quelques mois, son nom était sur la liste des consultants de l’après-midi. J’étais tendu, ne sachant si je devais me réjouir ou être inquiet ? Les rechuteurs étaient de très bons candidats aux nouveaux traitements sans interféron et on pouvait presque être sûr d’obtenir une guérison, mais quel serait son état d’esprit ?

J’arrivais dans la salle d’attente, Monsieur Durand était là.

– Bonjour, Monsieur.
– Bonjour, Docteur.
– Je suis content de vous revoir, cela fait déjà quelques années que nous ne nous étions pas vus, comment allez-vous ?
– Je viens pour le nouveau traitement de mon hépatite C, il parait qu’il y a eu de gros progrès ? Mais je vous préviens je ne veux plus de biopsie.
– Ne vous inquiétez pas, il n’y plus besoin de biopsie, nous avons d’autres techniques. Et oui, les traitements sont maintenant sans interféron, uniquement des comprimés et ne durent que quelques mois. Mais nous allons d’abord refaire le point sur vos lésions.

Nous avons refait un bilan complet à Monsieur Durand et là on découvrait une élastométrie hépatique évaluée à 5,8 Kpa au FibroScan et une fibrose F1 à l’évaluation par des tests biologiques. Un nouveau rendez-vous de consultation était fixé avec le patient pour faire une synthèse de tout son bilan et définir ensemble une conduite à tenir. Le jour était venu…

– Bonjour, Docteur. Depuis notre dernière rencontre j’ai réfléchi et je suis prêt et ma femme également, le plus tôt sera le mieux.
– Très bien, Monsieur Durand. Et bien, j’ai une bonne et une moins bonne nouvelle pour vous. Commençons donc par la bonne. Avant votre premier traitement vous étiez pré-cirrhotique en stade F3 et maintenant plus de 15 ans après, vous êtes F1. C’est grâce à l’interféron que votre fibrose a régressée de façon importante et les règles d’hygiène de vie que vous vous êtes fixées, perte de poids et vigilance sur la consommation d’alcool ont été payants. Par contre, la mauvaise nouvelle c’est que nous ne pouvons pas actuellement vous proposer un traitement. En effet, les nouvelles séquences thérapeutiques sont pour l’instant  réservée aux malades en stade F3 ou F4. Je vous propose donc une surveillance et de mettre le traitement en route dès que cela sera possible.
– Docteur, je ne comprends pas et je suis très déçu. Pour le coup c’est vous qui êtes un non répondeur, vous ne répondez pas à mes attentes. Cela m’a coûté de revenir vers vous et je comptais bien me débarrasser définitivement de ce virus et vous me répondez que je ne suis pas prioritaire. Je ne serai pas assez malade ! Et vous appelez ça une bonne nouvelle ? Pourquoi n’y ai-je pas droit, ça coûte trop cher, c’est inadmissible car j’ai cotisé toute ma vie ? Toutes ces années, où j’ai fait attention non servi qu’à m’empêcher d’accéder au traitement qui pourrait me guérir aujourd’hui. Alors non, je ne veux pas attendre car pour moi, dans ma vie c’est maintenant. Dans 2 ans, je serai trop vieux et je ne suis pas sûr que j’en aurais encore envie si je dois de nouveau me mettre en attente, mieux vous oublier que d’accepter l’anxiété de vivre avec…

Que dire ? Bien sûr les patients rechuteurs à un premier traitement devraient être prioritaires quel que soit leur score de fibrose, il devrait en être de même pour les non répondeurs. Il faut absolument tenir compte du parcours des patients et pas uniquement de leur stade de fibrose.

C’est une revendication que SOS Hépatites porte aujourd’hui.

Pascal Mélin

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