TONIO

Tonio 50 ans, atteint d’hépatite C et sous traitement a dû être hospitalisé pour manger…

Grandeur et décadence de l’hépatologie en 2013 où l’on peut dépenser 50 000 euros de traitement mais ne pas permettre à un malade de manger.

Tonio fait partie de ceux que l’on peut qualifier de travailleur pauvre. Après une jeunesse difficile, il a, grâce à un traitement de substitution, repris possession de sa vie et pu retrouver du travail. Il s’est marié, a deux enfants mais les fins de mois sont parfois très difficiles. Lors d’une consultation d’éducation thérapeutique il expliquait qu’il gardait un très mauvais souvenir d’une  période difficile qui s’était soldée par une interdiction bancaire.

Tonio est porteur d’une hépatite C au stade de cirrhose. Nous avons préparé son traitement et il s’est jeté dans l’aventure thérapeutique. La tolérance étant difficile, très vite nous décidons d’un commun accord de mettre en place un arrêt de travail pour plusieurs mois. Dans un premier temps, Tonio s’est senti soulagé puis progressivement, l’inquiétude et l’angoisse ont pris le dessus. En effet, la sécurité sociale mettait du temps pour lui payer ses demi-journées. Du côté de l’hépatite C, les soins se déroulaient dans de bonnes conditions. Le virus était indétectable mais il fallait poursuivre encore 9 mois. Lors de la dernière consultation, Tonio avait perdu 10 kilos mais le traitement ne semblait pas en cause. Tonio disait « Je n’arrive pas à manger… » Après avoir pensé à une œsophagite ou à un syndrome dépressif, je comprenais enfin que le problème se situait du côté financier ! En effet, après avoir remboursé ses prêts il ne lui reste par mois que 15 euros pour manger sur son demi-salaire.

Tonio est angoissé à l’idée d’être de nouveau « interdit bancaire » et je lui propose alors une hospitalisation de quelques jours pour manger et rencontrer l’assistante sociale pendant que sa femme et ses enfants se réfugient chez les grands parents pour survivre. En quelque jours, Tonio reprend à la fois 4 kilos et un bon moral, l’amaigrissement étant le lit de la dépression. Naïvement, je me dis que dans le cas de Tonio, l’hôpital public a encore tenu sa place comme espace d’hospitalité. Mais la T2A est intransigeante : on ne vient pas à l’hôpital pour manger ! Il faudra donc « coter » cette hospitalisation sous la dénomination de dépression iatrogène sur cirrhose virale C sous traitement.

Tonio va sortir du service et ces indemnités financières lui seront versées dans 10 jours. Heureusement pour lui, en attendant, la solidarité familiale va fonctionner.

Tonio nous a avoué avoir pensé à arrêter son traitement pour reprendre le travail et sortir des problèmes financiers.

J’espère qu’il va pouvoir guérir et surtout ne pas perdre le bénéfice de son traitement.

Ce doit être aussi ça la prise en charge des patients porteurs d’hépatite C.

Pascal Mélin

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